Léon Bourgeois, penseur d’un progrès solidaire dont la contribution majeure est le Solidarisme : une vision fraternelle de la société
Dans l’histoire sociale et politique française, Léon Bourgeois occupe une place majeure. Son apport le plus marquant ? Le solidarisme, une doctrine audacieuse qui place la solidarité au cœur du développement humain et social.
Le solidarisme propose une voie médiane entre libéralisme et collectivisme : ni la loi du marché sans frein, ni l’étatisme centralisé, mais la coopération volontaire entre individus, entreprises et institutions pour bâtir ensemble une société plus juste.
Une société de liens, pas de ruptures. Le solidarisme repose sur une conviction simple mais puissante : nous sommes tous interdépendants. Riches ou pauvres, travailleurs ou employeurs, citoyens ou gouvernants : nos intérêts ne sont pas antagonistes, mais solidaires. Plutôt que de cultiver la confrontation, le solidarisme appelle au dialogue, à la coopération, à la responsabilité partagée.
Trois piliers pour une société harmonieuse :
La solidarité économique : Les entreprises ne sont pas des îlots de profit coupés du monde. Elles jouent un rôle social : respecter les droits des travailleurs, contribuer à l’économie locale, favoriser le bien commun.
La solidarité sociale : Les citoyens ont des droits, mais aussi des devoirs les uns envers les autres. L’État a donc pour mission de : garantir l’accès universel aux services essentiels (santé, éducation, logement), égaliser les chances, sans uniformiser les parcours.
La solidarité internationale : aucune paix durable ne peut exister sans justice globale. Le solidarisme invite les pays les plus avancés à soutenir le développement des pays moins favorisés, non par charité, mais par devoir de fraternité humaine.
Solidarisme et Fraternité : des sœurs jumelles ?
Le solidarisme et la fraternité sont nés du même souffle, au XIXe siècle, à une époque marquée par les grands bouleversements économiques et sociaux.
- Le solidarisme est une théorie d’organisation sociale : il structure la solidarité, lui donne des outils, des objectifs, une ambition politique.
- La fraternité est une valeur fondatrice : elle inspire, unit, humanise les relations sociales.
L’un donne le cadre, l’autre donne le cœur. Ensemble, ils tracent une voie puissante vers une société plus juste, plus humaine, plus éclairée.
N’est-ce pas notre objectif ? tel qu’on l’énonce à chaque tenue « …Institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, la Franc-maçonnerie a pour objet la recherche de la vérité, l’étude de la morale et la pratique de la solidarité. Elle travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité….. »
À bien des égards, le solidarisme incarne concrètement cet idéal.
Il traduit en action ce que la franc-maçonnerie affirme dans ses principes : le refus de l’indifférence, la volonté d’agir pour l’élévation de tous, la conviction que la fraternité n’est pas un mot, mais un engagement. Le solidarisme n’est pas un souvenir de la IIIe République. C’est une boussole moderne, un appel à construire une société où chacun trouve sa place, où la réussite ne s’oppose pas à la justice, où la fraternité devient force structurante du vivre-ensemble.
Et si le solidarisme, hier concept politique, devenait aujourd’hui un projet de société ? Et si cette vision fraternelle et responsable du monde était le prolongement naturel de notre engagement maçonnique ?
C’est en parfaite adéquation avec la philosophie de notre Loge, ce qui explique notre choix.
Extraits du discours de Daniel Keller lors de l’inauguration de la plaque en hommage à Léon Bourgeois 12, rue Saint-Louis-en-l’Isle, Paris 4e, le 11 mai 2016.
« Léon Bourgeois est célèbre pour être le père fondateur du solidarisme. Le solidarisme, c’est un peu la troisième voie entre le libéralisme d’un côté et le socialisme tel qu’on le concevait à l’époque, pour faire simple entre le laisser faire et le collectivisme. C’est l’idée que les hommes ont une dette envers la société et donc en même temps ont des devoirs envers elle. On insiste beaucoup aujourd’hui sur les droits que chacun revendique, mais il ne faut jamais oublier que nous avons aussi des devoirs.
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La philosophie solidariste repose sur un principe maçonnique fondateur qui est celui de l’entraide. La Franc-maçonnerie d’ailleurs doit être fière d’avoir porté cette notion que symboliquement nous exprimons à travers notre Chaîne d’Union. L’entraide, on l’oublie souvent, est à l’origine du mutualisme. Ce n’est pas un hasard si l’essor de la mutualité en France s’est fait sous l’impulsion de nombreux Francs-maçons. Rappelons que la Fédération Nationale de la Mutualité Française a été créée en 1902. Léon Bourgeois défendit à ce titre le principe de l’impôt sur le revenu, des retraites pour les travailleurs, parce que ces outils de redistribution étaient le moyen de donner corps à cet esprit de solidarité qui l’animait.
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Il faut aussi savoir que Léon Bourgeois participa à différentes conférences de la paix – vous l’avez souligné, monsieur le Maire – celles de La Haye, en 1899, en 1907. Il fut membre de la Cour d’arbitrage international et par ailleurs il exerça les fonctions de ministre des Affaires étrangères.
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J’ajouterai que les Francs-maçons du monde entier créèrent en 1921, dans le sillage de la Société des Nations, l’Alliance Maçonnique Internationale, transposition au plan maçonnique de cette Société des Nations.
Vous l’aurez donc toutes et tous compris, que ce soit à travers son effort pour instaurer la démocratie sociale, pour garantir la paix entre les États, Léon Bourgeois a lumineusement mis en valeur les idéaux maçonniques qui sont les nôtres.
Le combat qui fut le sien reste un combat d’avenir, non parce qu’il a échoué, mais parce que l’histoire des peuples se forge plus dans la réactualisation des tensions à travers lesquelles ils évoluent que dans leur dépassement. Esquisse d’une dialectique sans fin qui nous impose de renouveler en permanence la réflexion sur le chemin capable de conduire à la réalisation du bien commun. »
